Dans la perspective d’une grande démocratie Européenne avec un président élut au suffrage direct, j’ai décidé de publier deux textes absolument fondamentaux de Charles-Louis de Secondat, Baron de La Brède et de Montesquieu qui sont extraits de « De l’esprit des lois » (1748). Dans le premier texte, propriétés distinctives de la république, Montesquieu montre la difficulté d’établir une démocratie sur un grand territoire. Je crois que son analyse reste très juste, même si nous avons des exemples de grandes démocraties tels l’Inde ou les États-Unis, ce qui me donne de l’espoir que cela soit aussi possible en Europe.
Montesquieu indique que la démocratie européenne devra se réorganiser pour garantir l’intérêt général fasse aux intérêts particuliers.
En effet, nous constatons que des grands intérêts privés essaient de s’approprier le pouvoir dans les grands états dans le but de servir des intérêts privés. Je citerai l’exemple de Donald Trump aux États-Unis et de Vladimir Poutine pour la Russie ou le système institutionnalisé des Lobbys en Europe.
Montesquieu nous indique que l’assistance mutuelle entre les états composant l’union est très important pour pérenniser cette démocratie. Je pense que c’est tout à fait vrai au niveau de la défense mais également pour protéger les institutions démocratiques dans chaque état.
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Montesquieu. De l’esprit des lois
Propriétés distinctives de la république (chapitre 16)
Il est de la nature d’une république qu’elle n’ait qu’un petit territoire ; sans cela, elle ne peut guère subsister. Dans une grande république, il y a de grandes fortunes, et par conséquent peu de modération dans les esprits : il y a de trop grands dépôts à mettre entre les mains d’un citoyen ; les intérêts se particularisent ; un homme sent d’abord qu’il peut être heureux, grand, glorieux, sans sa patrie ; et bientôt, qu’il peut être seul grand sur les ruines de sa patrie. Dans une grande république, le bien commun est sacrifié à mille considérations ; il est subordonné à des exceptions ; il dépend des accidents. Dans une petite, le bien public est mieux senti, mieux connu, plus près de chaque citoyen ; les abus y sont moins étendus, et par conséquent moins protégés. Ce qui fit subsister si longtemps Lacédémone, c’est qu’après toutes ses guerres, elle resta toujours avec son territoire. Le seul but de Lacédémone était la liberté ; le seul avantage de sa liberté, c’était la gloire. Ce fut l’esprit des républiques grecques de se contenter de leurs terres, comme de leurs lois. Athènes prit de l’ambition, et en donna à Lacédémone : mais ce fut plutôt pour commander à des peuples libres, que pour gouverner des esclaves ; plutôt pour être à la tête de l’union, que pour la rompre. Tout fut perdu lorsqu’une monarchie s’éleva ; gouvernement dont l’esprit est plus tourné vers l’agrandissement. Sans des circonstances particulières, il est difficile que tout autre gouvernement que le républicain puisse subsister dans une seule ville. Un prince d’un si petit État chercherait naturellement à opprimer, parce qu’il aurait une grande puissance et peu de moyens pour en jouir, ou pour la faire respecter : il foulerait donc beaucoup ses peuples. D’un autre côté, un tel prince serait aisément opprimé par une force étrangère, ou même par une force domestique ; le peuple pourrait à tous les instants s’assembler et se réunir contre lui. Or, quand un prince d’une ville est chassé de sa ville, le procès est fini ; s’il a plusieurs villes, le procès n’est que commencé.